jeudi 22 mai 2014

Entendre le grégorien tel qu'il était chanté à l'origine

Savoir lire les partitions grégoriennes comme elles étaient lues au Moyen Age, c'est un rêve d'amateur de musique ancienne. C'est peut être aussi un moyen d'entendre ces prières avec plus de force. Chanter ces mélodies de la manière la plus proche possible des conditions d'exécution d'origine peut en montrer toutes les subtilités; mais est ce seulement possible ?
Lycourgos Angelopoulos a peut être permis d'aller dans cette direction. Ce grand chantre grec, mort récemment, a consacré sa vie au chant liturgique byzantin. Il a été consulté par Marcel Pérès sur la manière de lire certaines partitions des chants les plus anciens de l'Eglise de Rome. Certaines mélodies du chant vieux romain portent des paroles grecques et des signes particuliers au dessus de leur notation occidentale.
Ces signes étaient comme la pierre de Rosette qui permet de lire le même texte dans deux alphabets différents. Pour Licourgos Angelopoulos, ces signes étaient en effet tout à fait clairs. Il s'agissait des neumes utilisés par les chantres grecs. Il pouvait ainsi chanter des mélodies latines en retrouvant les gestes musicaux byzantins qu'elles contenaient. Il pouvait donc aussi montrer ce que les manuscrits cachent derrière leurs signes musicaux, et faire progresser la recherche des meilleurs moyens de chanter les louanges de Dieu avec les partitions de chant grégorien.
Pour avoir une idée du lien possible entre les notations "grégoriennes" du XIIe siècle et une manière de les chanter, on peut écouter cet alléluia vieux romain en suivant la partition que donne cette vidéo.

 

Ce travail de lecture des manuscrits liturgiques médiévaux s'est appliqué à d'autres répertoires et peut être entendu par l'intermédiaire de cette note de blog.
Dans la suite de ces recherches, Marcel Pérès et l'Ensemble Organum proposent un stage de découverte des mystères de la notation carrée du chant grégorien, cet été à Moissac, du 18 au 25 juillet 2014.

dimanche 11 mai 2014

Je ne suis pas venu pour les bien portants, mais pour les malades du corps et de la volonté.

La maladie physique de son serviteur a converti le centurion romain qui vient demander sa guérison à Jésus. Il se reconnaît pécheur et par là même son âme trouve le chemin de la vie intérieure.
Par la maladie du corps d'un autre, il a vu sa maladie intérieure.
Il a découvert qu'il avait besoin de la miséricorde et de la tendresse de Dieu. Le mot que Jésus utilise pour parler de tendresse, Rahem en araméen/syriaque, désigne la tendresse, mais aussi l'utérus qui engendre et donne la vie. Celui qui prend conscience de sa mort intérieure peut renaître à nouveau par la tendresse maternelle de Jésus plein de guérison.
C'est lui qui peut guérir notre volonté et nos intentions de l'esprit de consommation. Le Monde nous pousse à croire que nous pouvons tout fonder sur la consommation et sur l'utilisation de l'autre. S'il ne m'est plus utile ou agréable, je ne m'y intéresse plus. Je me trompe pourtant si je fonde mon bonheur sur mon corps terrestre. Une vie fondée sur le triomphe de la volonté humaine et sur la force du corps n'est que douleurs sur douleurs et projets brisés.
Si le souci de la consommation l'emporte en nous sur celui de la vie éternelle, la maladie physique peut être une grâce. Aux portes de la mort, ma conscience se réveille. Avec Jésus, nos souffrances nous forcent à chercher le secours en dehors de notre puissance humaine. Notre mort physique devient un tombeau de lumière.
La maladie n'est pas indispensable pour regarder l'état de nos âmes, mais elle nous y encourage. Le jeûne, qui est une forme de maladie volontaire, un souffrance qui montre a mon corps qu'il doit s'ouvrir à la source de la vie glorieuse.
Cette vie promise est elle réelle. Jésus ne nous montre pas  le chemin de la vie éternelle du jour au lendemain, mais au cours d'un long chemin sur la terre, avec des paroles, enseignements, amour et miracles. Dans les épisodes de la vie, on se demande si la Vie promise est bien réelle; mais elle ne se révèle que progressivement. C'est une surprise qui se prépare par des signes annonciateurs déposés au cours de notre route.
La vie éternelle se dévoile dans l'amour, dans le don gratuit, dans l'amour qui se donne au lieu de consommer l'autre. Elle se dévoile dans l'imitation de Jésus qui a su aimer aimer extrêmement. Il l'a fait en portant lui aussi le poids de notre corps. Il a pu affronter la torture et la perpective de la mort physique dans la paix qui donne le don total de soi même.

Image : Sébastien Bourdon, Le Christ et le Centurion,  Musée des Beaux Arts de Caen.